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Marseille, une libération oubliée

Les combats pour la libération de Marseille viennent de se terminer. Le général Schaefer, commandant des troupes allemandes, a capitulé la veille, le 28 au matin, et le général Goislard de Montsabert, commandant la 3e Division d'Infanterie Algérienne, en a fait afficher l'annonce : "Habitants de Marseille, Marseille est définitivement délivrée.

Grâce à votre courage et au sacrifice de vos enfants, grâce aussi à l'intervention des troupes débarquées, l'ennemi a accepté les conditions que je lui ai imposées". Marseille dont les plans prévoyaient la délivrance à J+40 se retrouvait libre à J+12.

Montsabert rendait hommage à la Résistance qui avait engagé les combats depuis le 21 août, autour de la préfecture et dans les quartiers, avec les maigres forces dont elle disposait. Mais, dans les opérations militaires, l'essentiel était revenu aux troupes de la 3e DIA qui, seules, disposaient de l'expérience et du matériel adéquat.

Pour les lancer sur Marseille, il avait fallu pour Montsabert forcer la main de son chef, de Lattre, inquiet, car les combats pour Toulon n'étaient pas terminés et parce que les Allemands conservaient encore la supériorité numérique à Marseille.

Montsabert avait poussé le 7e RTA du colonel Chappuis vers le centre, alors qu'à la périphérie tabors et tirailleurs encerclaient la ville, avant de s'y engager et de réduire, après de durs combats, les points de résistance et les batteries adverses.

Le défilé du 29 consacre donc les vainqueurs. Le rassemblement des troupes commence au petit matin. Les FFI du régiment La Marseillaise ont reçu l'ordre de se regrouper à 7 heures.

À 9 heures, les véhicules encombrent le centre et s'alignent le long de la Canebière et dans les rues voisines en attendant de défiler. Les drapeaux et étendards des diverses unités et les autorités locales, civiles et religieuses, s'installent sur le refuge central du quai des Belges, face à la Canebière.

Le défilé est ouvert par les chefs militaires et politiques qui arrivent sur le port à 11h15 pour se placer devant les drapeaux. On aperçoit le général de Lattre, commandant les troupes françaises à qui avaient été dévolues les prises de Toulon et de Marseille.

On voit aussi, côte à côte, le commissaire régional de la République Raymond Aubrac et le général Cochet, commandant le Théâtre Sud FFI.

Mais, sur la tribune, prennent place également le général Maitland Wilson, le chef des opérations en Méditerranée, le général Patch, commandant la 7e Armée américaine qui a débarqué dans le Var le 15 août et dont les troupes poursuivent leur progression dans la vallée du Rhône, l'ancien ambassadeur des États-Unis Bullit. Il y a là aussi les représentants du Gouvernement provisoire du général de Gaulle, Emmanuel d'Astier de la Vigerie, commissaire à l'Intérieur, et André Diethelm, commissaire à la Guerre, qui prend un moment la parole, après la remise de récompenses posthumes aux résistants tués pendant la Libération.

Le mouvement des troupes commence alors. Elles sont applaudies par la foule et les blessés au cours des combats, alignés sur le trottoir.

Le reportage, qui est filmé de la place de la Bourse, là où se trouve la plaque commémorative de l'assassinat du roi de Yougoslavie et du ministre français des Affaires étrangères Barthou en 1934, suit longuement le défilé des troupes coloniales, tirailleurs algériens, zouaves, tabors marocains, avec leur nouba et ses deux béliers, puis la descente des unités motorisés, automitrailleuses et blindés des escadrons de cuirassés.

En revanche, les FFI, qui défilent ensuite jusqu'à 13 heures, sont, pratiquement, absents du reportage, alors qu'ils sont souvent représentés, défilant le long du quai des Belges, dans les photographies qui rappellent l'évènement.

C'est, pour Montsabert un triomphe qu'il relate dans son journal : "Il n'y a pas de mots pour dépeindre cet enthousiasme, cette chaleur, cette popularité, la Canebière bordée de blindés, carrefours garnis de canons, les quais du Vieux-Port encadrés de troupes, tirailleurs et goumiers... tous mes drapeaux ! .

Pour me rendre au quai des Belges, c'est un torrent d'applaudissements et de bravos qu'il faut traverser... Oui, une journée inoubliable".

La foule, la fierté qui se lit sur les visages des combattants, la musique dont on devine les accents, tout indique qu'une page est bel et bien tournée.

Cette page est comme un pari sur l'avenir dans "une ville délivrée, qui titube, éblouie au grand soleil de la liberté", où la "foule, où se faisaient entendre les premiers nasillements yankees, allait heureuse de pouvoir enfin marcher à sa guise, parler fort, rire, dire n'importe quoi, voir avec ses yeux ce qu'elle n'avait perçu qu'avec ses oreilles au cours de la bataille", une bataille "qui se lisait partout".

Et André Négis, qui a écrit ces lignes au lendemain des évènements, de poursuivre : " Quelle différence avec la Canebière des jours précédents, la Canebière vide, aux yeux clos, avec ses chevaux de frise et ses mitrailleuses allemandes ; la différence qu'il y a entre un cadavre et un corps exubérant de vie ".



05/02/2010

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